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Il n'y a pas de hasard... que des rendez-vous |R|

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Ellyott R. O'connor

« Ellyott R. O'connor »
membre Ҩ finding neverland

๑ Tes messages : 24

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MessageSujet: Il n'y a pas de hasard... que des rendez-vous |R| Il n'y a pas de hasard... que des rendez-vous  |R| EmptyDim 10 Mar - 13:05

Spoiler:

Dans le petit hôpital de la région cohabite la crème du doctorat de Provincetown. Oncologues, chirurgiens orthopédistes, pédiatres, tous gravitent autour d’un centre différent et paradoxalement propre à chacun : l’égo. Pas peu fier d’avoir réussi, chacun accroche au mur de son bureau les diplômes récompensant leur dur labeur universitaire. Ils redorent leur blason. Certains en deviennent même snobs, fats et parfois méprisants, comme le docteur Patterson. Psychiatre spécialisée dans l’addiction, son parcours, ou plutôt sa vie entière, est brillante et sans anicroche. Son père, épicier de banlieue a sacrifié sa vie entière pour offrir à sa fille les études qu’elle méritait. Quant à sa mère, elle quitta ce monde trop tôt, emportée par une dépression la menant au suicide. N’allez surtout pas croire que je vous révèle un secret. Jamais ! L’enfance précaire de ce médecin et surtout sa florissante réussite sont de notoriété publique à l’hôpital. Qui ne connait pas la biographie de celle dont l’image est plus lisse qu’une feuille blanche ? Elle est, dans mon jargon péjoratif : « Une nouvelle riche ». Je suis dans son jargon médical : « Un toxicomane récidiviste ». Et pour la femme ? Une tache ? Un déchet ? Un égoïste ? Un enfant né une cuillère en argent dans la bouche qui détruit un à un tous ses plus beaux jouets ? Sans doute se dit- elle : « Ah, si j’avais eu sa chance ! » Et bien ? Qu’aurais-tu fait ? Sais-tu seulement de quoi est faite ma vie ? Connais-tu seulement mon père ?

Pour peu, je pourrais lire sur ses traits parfaits tout son dégoût pour ce qu’elle juge être la plus ironique injustice du monde, tout son dégoût pour mes cernes accentuées, mes spasmes incontrôlables… Tous ses stigmates qui font de moi un drogué. Comment pourrais-je avoir confiance en cette belle blonde aux lunettes Dolce & Gabana épousant à la perfection la courbe de son nez aquilin ? Comment confier à ce regard bleu irrévérencieux mes angoisses ? Mes traumatismes ? Mes peurs les plus profondes ? Comment lui parler de ce manque de confiance qui me ronge chaque jour et que je comble dans la brume de ma poudreuse ? Comment lui dire à quel point j’ai peur de grandir et de vieillir ? Comment pourrait-elle m’aider si elle me méprise au point de ne pas prétendre être à l’heure à notre rendez-vous alors que je suis contraint par l’établissement de la rencontrer chaque jour, alors que moi, je suis tenu d’être conciliant et coopératif pour toucher du bout des doigts l’espoir de retrouver ma liberté et de retrouver ma vie… Il faut absolument que je sorte d’ici avant que mon quotidien ne s’effrite.

Allez Patterson, viens donc ! ¨Pousse la porte de ton bureau trop ordonné et trop impersonnel…pousse la porte de ton Tribunal, toi qui n’a de cesse de me juger, toi qui dois écouter, mais qui ne peux comprendre par indifférence, lassitude ou manque d’envie. Pousse cette porte en contreplaqué, prescrit-moi ton narcotique de substitution et va-t’en…pousse cette p*** de porte… Je suis si las. « Bonjour monsieur O’Connor »

Enfin ! Elle l'a poussée. Je serais presque heureux de la voir si ses hypocrites salutations ne puaient pas la suffisance. Je réponds tout de même sur le même ton quant à elle, elle pose sur moi son regard glacial, mais je lui souris. Quelle satisfaction de la voir ainsi décontenancée. Pauvre chérie ! Elle n’a toujours pas compris que c’est moi qui mène la danse. « C’est un plaisir de vous voir sourire » dit-elle faussement « Oh, mais je n’en doute pas, mais, finissons-en. Quand est-ce que je vais sortir ? » ai-je demandé avec grand intérêt. « Je ne peux pas. Pas pour le moment. C’est beaucoup trop tôt » Déçu, j’ai soupiré et bien que je la déteste foncièrement – sans doute par mauvaise foi – je peux la comprendre. Moi-même, je sens que je ne suis pas prêt pour affronter le monde extérieur et ses tentations. « Si vous n’y voyez pas d’inconvénients, je remonte dans ma chambre. Je suis fatigué et on aura bien d’autres occasions de discuter dans les jours à venir. »

Et je l’ai laissée là, interdite. Tout ce que je voulais, c’est allumer mon pc, consulter mes mails et allumer mon cellulaire. Peut-être a-t-elle laissé un message. Peut-être est-elle dans ma chambre… Peut-être… Plus j’y pense et plus j’accélère le pas. J’aurais apprécié m’arrêter pour fumer une cigarette, mais je ne veux pas perdre une seule seconde… Toutefois, plus l’espérance est grande et plus la déception est violente. Ma chambre tout confort agencée comme toute celle de l’hôpital est vide. Dépité, je m’installe donc dans ce fauteuil électrique, juste devant la fenêtre, j’attends et je pense. Je pense à mon enfance avec Jane. Jane. Cette belle rousse que j’ai aimée du fond du cœur... cette rousse qui m’a toujours été dévouée, cette rousse qui ne m’aurait certainement pas abandonnée comme le fait aujourd’hui Elizabeth. J’étais perdu dans mes souvenirs quand une voix familière, comme sortie tout droit de mon souvenir s’adressa à moi. J’en sursautai tant j’étais surpris. Quelle étrange coïncidence. Je pensais à toutes nos nuits de franche complicité et à présent, elle se tient là, devant moi, me saluant poliment. « Waouh ! Je m’attendais à tout le monde sauf à toi.» avouais-je un brin surpris et surtout très angoissé. Toutefois, je la respectais trop pour me montrer indifférent. Malgré ma fierté, je me suis donc levé doucement et sans grimace, espérant qu’elle ne remarquerait pas la douleur qui meurtrit mes articulations. « Alors comme ça, tu travailles ici. » déclarais-je en pointant du doigt son badge. « Et tu as l’air en pleine forme Moineau. » Je n’avais plus utilisé cet affectueux sobriquet depuis des lustres. Il lui était seulement destiné. « C’est bien. Je suis content pour toi. »

Debout au milieu de la pièce, j’observai un instant mon reflet dans la vitre et, devant la beauté de cette jeune femme, je me sentais pitoyable devant sa flagrante réussite.
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